La place de la photographie dans un dossier médical n’est plus à discuter de nos jours, et particulièrement dans le domaine de la rhinoplastie. La photographie a bénéficié il y a une trentaine d’année d’une profonde révolution avec l’apparition de l’imagerie numérique qui a progressivement supplanté le support argentique (35 mm)[1].
Ce saut technologique majeur a facilité fortement l’intégration et la gestion des images en respectant les grands fondements de la photographie médicale :
• Documentation médico-légale
• Outil pédagogique pour la patientèle (morphing)
• Enseignement pour les plus jeunes
• Communications et articles scientifiques
• Information sur le web
Le chirurgien, hormis dans certains services hospitaliers, sera souvent obligé d’être son propre photographe et se doit de posséder un minimum de connaissances dans ce domaine. La place de plus en plus grande prise par le smartphone dans notre vie quotidienne ajoute de la confusion par son apparente facilité et disponibilité et semble donner l’impression de vouloir ranger au rang d’antiquités les appareils photos conventionnels. Le but de cet article est donc de guider le choix du praticien adapté à ses besoins.
1ère question : Quel type de matériel ?
Quels sont les avantages du numérique sur l’argentique ?
En premier lieu, une certaine souplesse et sécurité dans l’enregistrement d’une image grâce à l’appréciation immédiate directe sur l’écran LCD (Liquid Crystal Display) de sa qualité, en se gardant la possibilité de recommencer une prise de vue en temps réel si celle-ci ne donne pas entière satisfaction. En argentique, il fallait passer par un développement secondaire de la pellicule, ce qui pouvait réserver quelque fois des (mauvaises) surprises.
D’autre part, beaucoup de logiciels médicaux de gestion permettent actuellement l’intégration immédiate des images des patients dans leur dossier, évitant un classement fastidieux (pas de numérisation secondaire de l’image) et diminuant le risque d’erreur. Vous pouvez également montrer au patient en temps réel les images pré- et postopératoires. A défaut, un logiciel de classification par mots-clés type Lightroom™ ou Bridge™ et après avoir renommé les fichiers d’image[2], permettra de les retrouver facilement, sécurisés par une sauvegarde externe régulière. Donc, moyennant quelques manipulations, l’imagerie digitale permet un gain de temps et de sécurité.
Un appareil photo (camera) se compose donc d’un boitier (body) et d’un objectif (lens).
1. Le boitier
Il existe bien sur plusieurs familles d’appareils, des plus simples comme les appareils photo sans objectif interchangeable (point-and-shoot camera ou compact ou bridge), les smartphones jusqu’aux boitiers experts ou professionnels. Si les progrès technologiques réguliers, la facilité d’utilisation et la baisse des couts, concernent tous les types d’appareils, l’exploitation et la qualité de l’image doivent rester prioritaires, et pour cela, plusieurs éléments sont à prendre en compte :
• En premier lieu, le système de visée qui permet le contrôle du cadrage et de la netteté. La visée oculaire est bien plus précise que l’écran LCD (cadrage et mise au point difficile surtout en cas de forte luminosité, risque de flou de bougé ou motion blur) [3]. Un appareil à objectif interchangeable (DSLR or DSL pour Digital Single Lens Reflex) présente plus de garanties pour le contrôle de la visée. Pendant longtemps, le marché des boitiers a été dominé par des réflex (DSLR) jusqu’à l’apparition des hybrides (DSL). La différence entre les deux types se situe au niveau du système de visée. Dans les réflex, le système de visée est optique et se fait grâce à l’utilisation d’un miroir placé entre le capteur et l’objectif qui reflète l’image dans le viseur. Lors de la prise de la photo, ce miroir se relève. Un tel système explique pourquoi les capots des boitiers comme CANON™ ou NIKON™ sont volumineux et alourdissent le matériel.
Actuellement, de plus en plus de marques, à l’instar de SONY™, ont fait le choix d’un autre type de viseur sans utilisation de miroir (mirror less), l’image venant directement sur le capteur et restituée intégralement dans le viseur, d’où le nom de visée électronique. Les appareils hybrides sont plus légers et plus compacts que les appareils reflex. La présence d’une mire ou d’un niveau visible dans l’œilleton ou sur l’écran LCD permet de s’aligner sur les points de repère anatomiques afin de garantir un positionnement standard d’un cliché à l’autre [4-6].
• La 2ème caractéristique pour une qualité d’images reste sa finesse directement dépendante du capteur (sensor) qui équipe tout type d’appareil photo numérique. Les propriétés du capteur orienteront donc fortement le choix du boitier. La finesse d’une image se définit par sa résolution. Plus une image possède une grande résolution, meilleure en sera sa qualité. Un capteur est composé d’une grille d’éléments uniques appelés photosites (pixels) qui réagissent à la lumière et qui vont transformer la lumière reçue en signal électrique. Plus un capteur possède de pixels, meilleure sera la résolution et moins importante sera la pixellisation (petits carrés que l’on peut voir lorsqu’on agrandit une image numérique). Ainsi, la caractéristique première d’un boitier est basée sur le nombre de pixels (mégapixel) qui composent le capteur. Ces pixels jouent le même rôle que les grains argentiques d’une pellicule traditionnelle. Plus il y a de grains ou de pixels, meilleure sera la finesse de l’image. En argentique, cette sensibilité était mesurée en unité ASA (American Standarts Association). En numérique, cette sensibilité est paramétrée en ISO (International Standarts Organisation). Attention de ne pas confondre ISO et pixels car, à nombre égal de pixels sur capteur, vous pouvez modifier la sensibilité de chaque pixel via directement une commande du boitier (autre avantage du numérique sur l’argentique où il fallait changer de pellicule). En effet, en cas de lumière faible, vous pouvez augmenter la sensibilité des pixels en majorant la valeur des ISO mais au prix d’une dépréciation de la qualité de l’image. La même chose existait avec l’argentique en utilisant des pellicules à forte sensibilité (> 400 ASA). Plus on augmentait les ASA, plus la pellicule était dite « rapide » mais au détriment de la qualité de l’image. On disait alors que l’image avait trop de « grain ». La correspondance en numérique se traduit par le mot « bruit ».
Technologiquement, il existe deux types de photosites: les CCD (Charged Coupled Device), les meilleurs mais les plus chers et les plus gourmands en énergie et les CMOS (Complementary Metal-Oxyde Semiconductor), plus répandus. Il existe plusieurs types de format de capteurs :
• Les capteurs plein format (full frame), la « Rolls Royce™ » des capteurs, qui refait une surface quasiment identique au format 24 x 36 des négatifs argentiques.
• Les capteurs APS-C (Advanced Photo System type C), plus petits d’un 1/3 environ, souvent répertoriés dans le commerce sous le terme de « petit capteur ».
• Les capteurs micro 4/3 (MFT pour Micro Fourth/Third) développés essentiellement par OLYMPUS™ et PANASONIC™ (LUMIX)™.
• Les capteurs des bridges ou des smartphones sont évidemment plus petits.
En conclusion, il ne sert à rien de faire la course aux pixels (SONY™ a proposé récemment un boitier avec 42 mégapixels !). 6 mégapixels dans un boitier suffisent largement pour obtenir de bonnes images. A titre d’information, un boitier à 42 mégapixels coûte plus de 2000 € alors qu’un boitier de 6 mégapixels coutera moins de 400 €.
L’image, une fois conçue, doit être stockée sur un support amovible, en l’occurrence, une carte mémoire, quelquefois deux, placée dans un emplacement du boitier. Les images doivent être enregistrés sous un format JPEG haute qualité plutôt que les formats RAW ou TIFF, beaucoup plus gourmands en place. Les cartes les plus couramment utilisées sont les cartes SD (Secure Digital) avec des capacités et des vitesses de transfert différentes. Une capacité de 16 mégapixels couvre largement les besoins pour de simples photos. Prévoyez beaucoup plus si vous faites de la vidéo. Les boitiers actuels sont très souvent dotés d’une fonction vidéo, le full HD (1920 x 1080 pixels) qui suffit amplement. Il ne sert à rien de choisir des formats 4K (résolution double du full HD) qui ne seront, en cas de projection sur un grand écran, restitués qu’en full HD. Il en est de même pour l’impression papier qui ne dépassera jamais 350 ppp ou dpi (point par pouce ou dots per inch).
Aussi, le choix d’un appareil photo dépendra des caractéristiques techniques minimales confrontées aux orientations personnelles de chacun. Un praticien peu investi dans la photographie et qui ne voit qu’une obligation médico-légale n’aura pas les mêmes critères de choix que quelqu’un qui voit dans l’appareil photo un outil scientifique rigoureux et précis. Sans une âme de photographe, les prises de vue pourraient être vécues comme une contrainte et le praticien serait tenté d’aller au plus simple et au plus rapide, grandement encouragé par les progrès techniques réguliers des smartphones.
De base, un smartphone, plus léger, facilement transportable et disponible, d’un coût raisonnable, avec une qualité de photo en progrès constant, et servi par de très nombreuses applications est tentant. Une étude récente[7] montre que beaucoup de praticiens français utilisent leur smartphone comme moyen de stockage de leurs photos. Le développement du smartphone a même fait disparaitre du marché les compacts et quelques bridges. Ces appareils sont équipés d’un zoom numérique avec flash intégré d’un emploi facilités par leur automatisation, mais la standardisation des prises de vue reste plus aléatoire car le photographe n’a aucun contrôle sur les réglages précis de l’appareil (différence de cadrage et d’agrandissement, lumière d’ambiance différente favorisant une répartition inhomogène de la lumière du flash). Cette dépendance à l’automatisation qui fait la force des smartphones constitue également leur faiblesse.
Pour une rhinoplastie et en utilisation au cabinet, le boitier numérique, certes plus lourd, plus encombrant et beaucoup plus cher, permet une reproductibilité, une standardisation et une étude comparative et analytique par le contrôle des différents paramètres d’une prise de vue. Les images obtenues constituent de véritables documents scientifiques, répondant à des standards que les simples smartphones ne peuvent pas encore garantir.
Quelques éléments sont également importants à souligner. La facilité d’utilisation des appareils connectés, en particulier les smartphones, ne dispense pas de la plus élémentaire des prudences, et particulièrement l’échange ou la transmission notamment via les réseaux sociaux de documents photographiques relevant du secret professionnel ou du droit à l’image. Le praticien ne peut ignorer ce risque, d’autant plus que la signature d’un consentement écrit par le patient est rarement exigée (moins de 20% des praticiens)[7, 8]. Pour notre part, nous utilisons quelquefois le smartphone pour montrer au patient le résultat post-opératoire sur table uniquement à titre de simple information. De plus, un dossier médical avec des photos de qualité fera toujours une meilleure impression en cas de problème médico-légal que des photos prises avec des fonds et des cadrages différents, pouvant faire douter du sérieux et du manque de rigueur du praticien. Toujours dans ce contexte, selon l’étude de Lau[9], l’utilisation d’un smartphone est quelquefois mal interprété par les patients eux-mêmes qui y voient-là une peur de diffusion des images et un certain manque de professionnalisme. La réaction spontanée de certains patients épatés à la vue du matériel au cabinet aurait tendance à confirmer cette impression. Mais, nul doute qu’à la vitesse de développement technologique et le nombre croissant d’applications, le smartphone comblera son retard sur les appareils conventionnels dans un avenir relativement proche.
2. L’objectif
Part la plus importante de l’appareil photo, à lui tout seul l’objectif mériterait plus d’effort financier que le boitier. Un objectif se caractérise principalement par sa distance focale (mesurée en mm), sa luminosité (facteur f/) et sa mise au point, automatique ou pas (autofocus). Il existe d’autres caractéristiques comme la stabilité mais qui sont de moindre importance dans l’utilisation au cabinet. Dans cet article, toutes les distances focales citées concerneront uniquement les capteurs plein format (full frame). Les autres capteurs, l’APS-C ou le Micro 4/3, nécessitent d’appliquer un coefficient multiplicateur pour corriger l’effet crop (x 1,5 pour APS-C et x 2 pour le Micro 4/3).
• La distance focale : classiquement, on divise les objectifs en 3 catégories : grand angle (7 à 35 mm) idéal pour les paysages et l’architecture, standard (35 à 80 mm) c’est-à-dire ce que l’œil humain voit et téléobjectif (85 à 800 mm ou plus) pour les portraits et les prises de vue lointaines et/ou sportives. Dans le cadre d’une rhinoplastie, c’est plutôt la zone comprise entre 85 et 105 mm qui est la plus intéressante. A noter que pour un objectif grand format NIKKOR™ 105 mm, les équivalents sont respectivement 70 mm pour l’APS-C et 52,5 mm pour le Micro 4/3.
Dans une pratique régulière de chirurgie plastique, il est logique de prendre en photo des interventions différentes, comme les seins ou dans le cadre de chirurgie de la silhouette qui nécessitent souvent des focales standards. Un zoom est tentant car il permet de modifier facilement la distance focale d’un objectif, sans être obligé de l’échanger. Dans le cadre de la rhinoplastie, la distance sujet/appareil doit être constante avec la même focale utilisée. Le risque d’avoir des cadrages et des agrandissements différents au cours des séances photographiques, est donc plus élevé avec un zoom. Autre défaut, la qualité optique d’un zoom au niveau du « piqué » et des distorsions d’image est bien inférieure à celle d’un objectif fixe. Ce phénomène est majoré chez les zooms numériques présents sur les smartphones. Si vous faites des photos autres que dans le cadre d’une rhinoplastie, un 85 mm ou un 90 mm feront très bien l’affaire.
• La luminosité d’un objectif est contrôlée par l’ouverture du diaphragme et mesurée par le f/ (f-stop) dont les valeurs s’échelonnent de 32 (très peu lumineux soit diaphragme fermé au maximum et jusqu’à 1,4, voire 1,2 correspondant à un diaphragme grand ouvert). Plus un objectif est lumineux, plus il est lourd, encombrant et cher. Dans le cadre d’une prise de vue posée avec contrôle de la lumière ambiante, il est inutile de dépenser plus pour un objectif ultra-lumineux. Un objectif qui « ouvre » à f/2,4 suffit largement. A titre d’exemple, NIKON™ a mis sur le marché 2 objectifs de même focale (105 mm), l’un ultra-lumineux qui ouvre à 1,4 pour 985 g et qui coute plus de 1400 € et un à f/2,4 accessible à un peu plus de 850 € pour 750 g. Nous utilisons ce dernier depuis plus de 15 ans et nous ne l’échangerons pour rien au monde.
• La mise au point automatique ou autofocus est pratiquement présente de série sur l’immense majorité des objectifs disponibles. Il faut se méfier de l’autofocus car c’est un « faux ami ». Si dans des conditions de prise de vues ultra-rapides l’autofocus est nécessaire (sport, photo animalière), les conditions au cabinet donnent largement le temps de faire une bonne mise au point de votre sujet. Laisser faire la mise au point par l’appareil peut entrainer une netteté sur des endroits du visage qui ne vous intéressent pas, avec comme conséquence des oreilles nettes et un nez flou ! Après avoir débrayé le bouton autofocus, il faudra donc faire vous-même une mise au point manuelle sur le nez en contrôlant la profondeur de champ.
• Objectif macro ou pas ? Les objectifs macro sont des objectifs de focale fixe conçus aussi bien pour la photographie classique d’objets éloignés de grande taille, que de petits objets rapprochés. Ils permettent tous d’atteindre le rapport de reproduction 1:2 et la plupart atteignent le rapport 1:1 (même taille pour l’objet photographié et pour son image sur la surface sensible, donc pas d’agrandissement, ce qui permet d’effectuer des mesures précises et comparables). Si cela ne constitue pas une plus-value nette pour un portrait classique, en revanche, en peropératoire, cela peut constituer un réel avantage dans la prise de vue de petits éléments comme les cartilages ou les montages classiques que l’on peut voir dans les procédures de rhinoplastie. L’objectif utilisé dans notre pratique régulière est un objectif macro.
• Pied photographique ou pas ? Pour des photos prises au flash avec des vitesses supérieures au 1/60ème de seconde et des stabilisateurs intégrés dans le boitier ou l’objectif, il n’est pas nécessaire d’utiliser un pied photographique toujours très encombrant. Son seul intérêt réside dans la constance de la distance sujet/appareil, mais cet avantage peut être compensé par un simple marquage au sol.
Le boitier type DSLR permet donc la prise de contrôle précise de la luminosité, de la mise au point et de la vitesse d’obturation. C’est un avantage très important vis à vis d’un smartphone, et pour comprendre, il est nécessaire d’avoir quelques notions basiques en photographie.
3. Quelques petites notions indispensables de photographie
Une image est le fruit de la combinaison de plusieurs paramètres : la quantité de lumière contrôlée par l’ouverture du diaphragme, la vitesse d’obturation (shutter) qui détermine le temps d’exposition de la lumière sur le capteur et la sensibilité du capteur mesurée en ISO.
• La quantité de lumière qui vient sur le capteur est contrôlée par l’ouverture du diaphragme et conditionne la profondeur de champ. Celle-ci correspond à la zone de netteté comprise entre deux points situés dans des plans différents et son importance dépend pour beaucoup de l’ouverture du diaphragme. Plus celui-ci est fermé, plus la profondeur de champ est importante. On a l’exemple d’une personne qui plisse ses paupières pour voir plus nettement au loin en cas de lumière environnante importante. Les éléments d’un visage ne sont pas tous dans un même plan (les oreilles et la pointe du nez par exemple) et une bonne profondeur de champ permettra une netteté sur ces deux organes à la fois. Pour cela, il faut fermer le plus possible le diaphragme sans toutefois trop assombrir (= sous-exposer) la photo. Personnellement, nous utilisons un f/stop compris entre f/20 et f/22 afin d’avoir une netteté complète sur l’ensemble du visage. Le mode automatique ne permet pas le contrôle du diaphragme et l’ouverture maximum du diaphragme est souvent privilégiée, comme pour les smartphones.
• La vitesse d’ouverture de l’obturateur (shutter) permet à la lumière d’impressionner le capteur. Plus ce temps est long, plus grande sera la quantité de lumière recensée par le capteur, plus la photo sera claire (= sur-exposée). D’autre part, du fait de l’utilisation de lumière adjuvante type flash, la synchronisation entre le flash et l’obturateur ne doit pas être inférieure au 1/60ème de seconde.
• Le réglage de la sensibilité du capteur (ISO) est le troisième paramètre qui peut être modifié. Afin d’éviter un trop grand « bruit » nuisible à la qualité de l’image, la sensibilité doit être peu importante (200 ISO). C’est pour cette raison que nous ne dépassons pas 200 ISO.
Pour résumer, un appareil photo peut être utilisé de manière automatique (mode P ou auto) ou en manuel (mode M). En automatique, le calculateur du boitier détermine l’ouverture du diaphragme, la vitesse d’obturation et la sensibilité du capteur. Ce mode de fonctionnement satisferait bon nombre de personnes. Mais, le boitier choisira de préférence des ouvertures importantes (autour de f/1,4 ou f/2,8), diminuant la profondeur de champ et donc la netteté complète sur l’ensemble de l’image.
L’utilisation manuelle permet de choisir les meilleurs réglages et de garantir leur constance pour toutes les images. Vous choisissez votre valeur de diaphragme, de vitesse et de sensibilité. Personnellement, j’utilise toujours une ouverture à f/22 (quelquefois à f/20 pour les peaux plus sombres) au 1/60ème de vitesse pour éviter tout problème de synchronisation avec les flashes et une sensibilité de 200 ISO. Après quelques essais, les réglages correspondant aux meilleures images seront gardés en mémoire.
2ème question : Faut-il aménager un véritable coin studio ou utiliser un flash simple ?
Le choix d’un type d’éclairage est déterminant pour une image de qualité optimale. Le plus simple est l’utilisation d’un flash incorporé à l’appareil (build-in), qu’il soit rétractable (pop-up) ou sur sabot (flash cobra).
Mais la lumière, du fait de sa direction axiale, sera répartie de manière très inhomogène, donnant des zones surexposées et des zones trop sombres. Dans ces cas, il est fortement conseillé d’utiliser un diffuseur à plat ou cylindrique (lightsphere ) avec ce type de flash pour avoir une lumière plus harmonieusement répartie sur le sujet[10].
Pour éviter une direction mono-axiale de la lumière, le 2ème type d’éclairage est une diffusion annulaire soit par un système ring flash (flashes disposés circulairement autour de l’objectif comme le système SIGMA™ EM-140 DG), ring light (disposition identique mais lumière en continu par des lampes LED) ou twin flash (2 petits flashes disposés de part et d’autre de l’objectif comme le système NIKON™ macro R1C1). Le ring flash procure souvent une lumière « plate » qui gomme les reliefs et son emploi est préférable pour des prises de vue peropératoire en macrophotographie. Le ring light existe aussi en format studio et consiste en un cercle de lampes LED entourant la tête du sujet (système NEEWER™). C’est un appareillage bon marché et la lumière fournie de bonne qualité, utilisable également avec les smartphones sur pied. Attention au cadrage (une partie du cadre incluse dans la photo ne fait pas bon effet) ainsi qu’au reflet de la lumière ronde dans les yeux.
Pour nous, l’éclairage idéal est l’utilisation de 2 flashes de studio (strobe light) sur pied, laissés de manière permanente à la même place, de puissance moyenne (500 W chacun) et de réglages constants associés à un bol beauté (softlight) ou des boites à lumière (softbox) qui étalent de manière homogène la lumière sur le sujet.
Ces deux flashes sont asservis au déclenchement de l’appareil photo via une commande sans fil (remote control) fixé sur le sabot de flash du boitier. Le dernier réglage à effectuer est de choisir le mode « flash » sur la balance des blancs de votre appareil. Les flashes sont disposés à environ 1 mètre du sujet, orienté chacun de 45°[11, 12], en léger surplomb. Il faut vous assurer qu’il n’y aura pas d’autre source de lumière parasite (fenêtre à occulter par exemple). Le positionnement des flashes est très important car il influence la qualité et la crédibilité des résultats. DANIEL[13] et d’autres[12, 14, 15] remarquèrent que de petits changements du positionnement de la lumière (en diminuant l’angle de 45°, les points lumineux réfléchis sur la pointe du nez sont plus rapprochés) pouvait changer l’apparence de l’anatomie de la pointe du nez sur des photos sans aucun geste chirurgical.
Le fond sera de couleur bleue ou noire, non réfléchissant. Beaucoup d’auteurs préfèrent un fond bleu pour mettre en valeur les différents tons de la peau[6, 16-18]. Personnellement, j’utilise un fond noir, certes plus difficile d’emploi à cause des ombres portées [12], mais qui détache plus les contours du nez de profil et donne à l’image un côté plus fun et artistique. Il est conseillé de toujours utiliser les mêmes réglages de puissance du flash et du boitier. La vitesse ne doit pas être inférieure au 1/60ème de seconde et le diaphragme compris entre f/20 et f/22. L’inconvénient d’un tel studio est son encombrement, nécessitant 3 ou 4 m2.
Le sujet à photographier doit toujours se trouver au même endroit (marques au sol ou tabouret) ainsi que le photographe pour standardiser la prise de vue.
Le bon respect d’un protocole d’éclairage, de réglage d’ouverture et de vitesse sur le boitier ainsi que la distance identique sujet/appareil sont essentiels pour permettre la comparaison et l’exploitation des différentes photographies obtenues. Les différentes incidences pour une rhinoplastie sont au nombre de neuf : face au repos et en souriant (alignée sur le plan de Francfort[4] ou ligne joignant lobe de l’oreille / base du nez)[19], vue inférieure (pointe du nez alignée sur la ligne inter-canthale), trois quart droit et gauche (pointe du nez alignée sur la pommette), profils droit et gauche au repos et en souriant, le patient devant toujours regarder l’objectif, les cheveux derrière l’oreille si possible et le front dégagé.
Le patient doit être prévenu de l’utilisation de ses photos en cas de communication ou de publications aussi bien sur le Web que pour les articles scientifiques, en application des articles 226-1 du Code Pénal et R4127-73 du Code de la Santé Publique. De fait, le patient doit signer dans ce cas un consentement légal[20]. Il faut noter qu’en France, moins de 20% des praticiens recueillent le consentement du patient par écrit[8]. Même si prendre des photographies n’a suscité aucune contestation de la part de notre patientèle, il nous parait essentiel d’expliquer pourquoi et dans quel cadre leurs images peuvent être utilisées. Les refus sont extrêmement rares[8] et, pour rassurer les patients, en cas de diffusion orale ou imprimée, les yeux sont également masqués (piratage).
AVANTAGES | INCONVENIENTS | |
SMARTPHONE | • Facilité d’utilisation • Disponibilité, légèreté • Amélioration technique continue • Coût raisonnable • Marge de progression importante |
• Limitation technique. ◦ Visée. ◦ Zoom numérique. ◦ Profondeur de champ. ◦ Flash. ◦ Automatisme. • Standardisation délicate. • Diffusion des images moins contrôlable. |
DSLR | • Qualité technique • Standardisation • Reproductibilité • Clichés comparatifs (stéreophotogrammétrie) |
• Coût important • Encombrement • Apprentissage plus difficile |
3ème question : Est-ce que le morphing est utile et sans danger pour le praticien ?
Le morphing est une technique qui permet de modifier une image avec pour but de créer un résultat réaliste qui se rapprochera le plus possible du résultat réel final, matérialisant un consensus entre les possibilités chirurgicales et les aspirations de la patientèle[21]. Tout comme la photographie médicale, le morphing est une idée ancienne. Même bien avant l’image numérique, nombre de chirurgiens, et non des moindres[22], modifiaient une photographie classique de profil au crayon noir pour montrer au patient une modification de la ligne de profil d’un nez. Tout en rassurant le patient, le chirurgien pourra observer et analyser la réaction du patient face à son nez potentiel[23-25], analyse subtile utile en cas de suspicion de BDD, et dans la chirurgie de la pointe (pointe relevée ou pas ?). Certains chirurgiens l’utilise comme un modèle à suivre pour leur procédure opératoire[26, 27] bien que ce dernier point est moins important à nos yeux.
Paradoxalement, le morphing numérique est plus utilisé par des applications sur le smartphone des patients que dans le cabinet d’un plasticien. La raison de cette désaffection des praticiens peut être dû au temps consacré[28], au coût du matériel, au nécessaire apprentissage du logiciel et surtout au risque médico-légal. Pour nous, Le morphing est un outil de relation sociale, regroupant le pouvoir de débattre, de clarifier, d’informer, d’échanger[29], de rassurer[30], et d’aider à la prise de décision[31].
La modification assistée par ordinateurs des images préopératoires date des années 1980[32, 33]. Il existe depuis de très nombreux logiciels connus, PHOTOSHOP® étant le plus répandu, qui permettent des modifications sur des images mais qui ont l’inconvénient de travailler en 2D. Depuis quelques années, sont apparues sur le marché des images 3D bien plus réalistes. Leur principale difficulté est l’impossibilité de travailler sur des images photographiques classiques 2D. Il faut donc acquérir un autre matériel onéreux qui permet des prises de vue 3D avec un logiciel adapté (CANFIELD™ ou QUANTIFYCARE™). Pour avoir utilisé les deux systèmes 2D et 3D, la préférence des patients va, à une écrasante majorité, aux images 3D. Le principal écueil des systèmes 3D réside dans leur cout (souvent > à 10.000 €) et la nécessité de disposer d’un matériel de prise de vue supplémentaire car différent techniquement des boitiers conventionnels. Mais, de nouvelles applications 3D commencent à être disponibles sur smartphone (CRYSALIX™). Il est probable que l’abaissement des couts et une plus grande facilité d’utilisation dans les années à venir permettront sans doute à l’avenir un accès plus facile à cette technologie.
Un autre avantage avec l’imagerie 3D est également pour le praticien de pouvoir comparer avec une exacte similitude (stéréophotogrammétrie) les clichés pré et postopératoires. En effet, les portraits sont à la même échelle et donc les constructions géométriques prennent ici toute leur valeur par la rigueur des mesures analytiques (angle naso-labial, projection de la pointe pour ne citer que les plus usuels). Pour le chirurgien, c’est un moyen de mesure fiable permettant de s’appuyer sur des mesures rigoureuses et indiscutables et apportant des éléments objectifs dans toute discussion scientifique[34].
Par sa rigueur et malgré son côté un peu « magique », le morphing surtout en 3D est un outil marketing dont l’influence n’est pas à sous-estimer[21]. Nombre de demandes de patients intéressés initialement par une simulation 3D recensés sur le site web du cabinet se convertissent en intervention confirmée. Le professionnalisme du chirurgien en sort certainement renforcé par l’utilisation de technologie de pointe associée à l’image forte d’une hyperspécialisation en rhinoplastie[35].
Dernière question importante, faut-il donner un exemplaire de la simulation sur un support papier ou digital sous forme de fichier ? Personnellement, les patients ne reçoivent jamais le résultat de leur simulation, même si la mention « photographie non contractuelle » figure sur l’image. Les compagnies d’assurances y sont d’ailleurs assez réticentes. Dans notre série personnelle qui repose sur plus de 350 simulations en 3D, nous n’avons jamais eu de mise en cause, voire de retour agressif sur une éventuelle discordance entre simulation et résultat final[29, 36]. De fait, Il peut paraitre évident de ne pas proposer des résultats numériquement parfaits qui seraient chirurgicalement impossibles à exécuter[37, 38]. Le point important est de bien expliquer au patient l’absence de garantie et les limites de la simulation. Nous la présentons plutôt comme une démarche identique à celle prise par un peintre faisant des essais ou des esquisses avant d’attaquer son tableau final.
4. Conclusion
L’imagerie médicale dans le domaine de la rhinoplastie est le théâtre d’une révolution continue. Si les buts n’ont pas changé, la photographie numérique procure au praticien un outil d’une formidable souplesse que ce soit dans l’acquisition, le stockage, la simulation dans le domaine de l’iconographie médicale. La diminution des risques d’erreur, la qualité des images obtenues ouvrent d’autres perspectives dans l’affinement des analyses préopératoires et postopératoires et la planification des procédures chirurgicales mais imposent des procédures de prise de vues standardisées.
Toutes ces améliorations ne sont néanmoins applicables qu’avec du matériel de qualité dont la principale difficulté est de suivre une évolution technologique continue et très rapide qui puisse permettre l’adhésion de plus en plus importante des praticiens.
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